Pédaler masqué, est-ce une bonne idée ?
Pic de pollution ou pas, de plus en plus de cyclistes portent un masque « antipollution » dans les grandes villes. Est-ce vraiment nécessaire à vélo ?
Au casque et au gilet réflecteur, de plus en plus de cyclistes urbains et autres vélotafeurs rajoutent le masque antipollution à leur panoplie. Il faut dire que dans nos métropoles, comme dans certaines villes enclavées, les alertes aux particules fines sont de plus en plus fréquentes.
En suspension dans l’air ambiant, ces particules fines (d’un diamètre < à 2,5 macrons), voire ultrafines (< 1 macron), pénètrent plus facilement et plus en profondeur dans les voies respiratoires. Si elles entraînent des irritations et des problèmes respiratoires chez les personnes sensibles et vulnérables, elles seraient également responsables de 40 000 décès prématurés chaque année en France, soit 7% de la mortalité totale, selon une étude de Santé Publique France. Circuler à vélo en ville au milieu des voitures à respirer les gaz d’échappement peut sembler dangereux pour notre santé et nous faire douter des réels bienfaits du vélotaf. Quel cycliste ne s’est-il pas fait la réflexion ? Ou posé la question sur l’efficacité des masques anti-pollution ?
L’ANSES ne se prononce pas sur le port du masque à vélo
Selon le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) daté de juillet 2018, aucune donnée scientifique ne garantit aujourd’hui un bénéfice pour la santé. L’expertise conclut à l’insuffisance de données disponibles, notamment en conditions réelles d’utilisation, pour attester d’un bénéfice sanitaire lié au port de masques dits « antipollution » par le grand public. Après avoir testé en laboratoire 215 références, elle ne peut en recommander le port. Les experts craignent même que le masque donne un « faux sentiment de protection ».
À vélo, l’air n’est pas seulement chargé en particules fines
Qu’ils soient équipés de plusieurs couches filtrantes, avec une action chimique à charbon active ou mécanique, la plupart d’entre eux protègent de certaines particules présentes dans l’air ambiant mais pas des substances à l’état gazeux. Or, la pollution de l’air se compose également de dioxyde et monoxyde d’azote (NO2 et NO), de dioxyde de souffre, de gaz carbonique, de benzène, de l’ozone…
Les masques FFP3 les plus filtrants à vélo
Entre un simple foulard qui limite les odeurs et le masque de chirurgien qui protège des infections extérieures, mieux vaut opter pour un masque « antipollution ». Même s’il n’arrête pas tout. Intéressez-vous à ceux qui portent la norme FFP (filtring facepiece particule). Appareil de protection respiratoire, il doit répondre à la norme NF EN 149. Il est destiné à protéger celui qui le porte contre l’inhalation à la fois de gouttelettes et de particules en suspension dans l’air.
Il existe 3 catégories :
- FFP1 : filtre au moins 72% des particules PM (Particulate Matter) allant jusqu’à une taille de 2.5 microns (pollens, poussières, postillons, etc.) et 22% de fuite totale vers l’extérieur.
- FFP2 : Filtre au moins 95% des particules (>1 macron) et 8% de fuite vers l’extérieur.
- FFP3 : Filtre au moins 99% des particules et 2% de fuite vers l’extérieur. Très filtrant, attention à ne pas sur-ventiler lorsque vous pédalez.
Prenez également en compte les sigles NR ou R. Le premier signifie que l’utilisation du masque se limite à une journée. Le second informe qu’il est réutilisable plus d’une fois.
Ils ne sont pas 100% fiables
L’efficacité d’un masque dépend de sa conception, des performances du filtre dont il est équipé, et d’autres paramètres tels que son adaptation à la morphologie du visage : ovale, carré allongé, rond, hexagonal, rectangulaire, triangle bas ou haut. De forme ergonomique avec un bon système d’attache, ces masques pour cyclistes doivent s’adapter parfaitement aux reliefs du visage afin d’éviter toute intrusion d’air non filtré. Portez une attention particulière aux zones de fuite, notamment les espaces autour du nez et du menton. Messieurs ! Veillez aussi à être rasés de près. Mesdames ! Évitez de coincer une mèche de cheveux. Ne portez pas de bonnet. Il peut distendre les élastiques.
Attention à ne pas hyper-ventiler sur le vélo
Si l’efficacité du masque diminue du fait d’un mauvais ajustement au visage, de son manque d’entretien, l’intensité du pédalage joue également un rôle dans ces fuites d’air entre le visage et le masque par lesquelles les particules s’infiltrent. Comme vous le savez, les masques ont la fâcheuse tendance à augmenter la résistance au flux respiratoire. Les inspirations deviennent plus puissantes et plus profondes. Et lorsque l’on pédale, la ventilation s’accélère également en fonction de l’effort demandé. Résultat, plus l’intensité augmente, plus on inhale des doses importantes de polluant, qui pénètrent profondément les alvéoles pulmonaires, exposant davantage les poumons.
Que faire en cas de pic de pollution ?
Levez le pied. Préférez les sorties à intensité modérée. Quel que soit le pic de pollution, adaptez votre itinéraire. Privilégiez les pistes cyclables à l’écart des grands axes embouteillés ainsi que les moments de la journée où le niveau de pollution est le moins élevé. Selon une étude menée par Airparif, de 2009, l’exposition aux polluants est deux fois moins élevée pour les cyclistes circulant sur une piste séparée qu’au milieu de la circulation.
Masque ou pas masque, la meilleure des préventions est la pollution que l’on ne respire pas !
Clarisse Nénard